Francis Palanc vient de mourir à Vence le 30 avril 2015, à l’âge de 86 ans. Dès sa jeunesse, où il a vécu et travaillé dans la pâtisserie familiale, mitoyenne de la Petite Boutique Chave où mon père vendait des jouets et du matériel pour artistes, il a cherché à s’évader de la routine quotidienne. Il s’inventait un système de signes susceptibles de transcrire la complexité de sa pensée. Dans la solitude de son arrière-boutique, il créait pour son plaisir et sans y avoir été préparé, à partir des matériaux qu’il avait sous la main. Il utilisait la coquille d’œuf, pilée avec une minutie extrême, réduite à l’état de poudre et colorée par les pigments utilisés pour les gâteaux de fête. Puis il collait sa préparation avec de la gomme arabique sur des toiles fines selon les rites de sa vision fantasmatique du monde. Cet autodidacte a ainsi réalisé, à la fin des années 50, un certain nombre d’œuvres très originales, d’une virtuosité étonnante, accompagnées de textes ésotériques explicatifs. Elles furent exposées dans notre galerie en 1959 où Jean Dubuffet les découvrit. Mais, soucieux de son indépendance de pensée et, troublé par son succès, sur un geste de colère, il s’arrêta de travailler et détruisit tout son matériel et son travail en cours. Sa création plastique fut donc très fugace. Cependant toute sa vie, secrètement, il continua ses recherches lexicales et scripturales liées à une quête profondément métaphysique. Cette démarche unique fait de Francis Palanc un être à part, méridional chaleureux mais compliqué, qui a passé son temps à la recherche d’une théorie des signes (en "fermitude" ou "ouvertitude" selon ses termes) qui donnaient un sens à sa vie.

Pierre Chave